fbpx
Newsroom & Blog

Juil 10, 2023   |   Blog Post

Dans la quête de l’amélioration du système de transport des échantillons polio en République Démocratique du Congo

Photo Credit: VillageReach

By Carla Toko, Patrice Tshekoya, Dr. Guillaume Mwamba, Trésor Amiri, Louis Tshituka and Benedicte Waula

Read English version here.

Une fois que des cas suspects de poliomyélite sont identifiés dans la communauté, qui se présente par une paralysie brusque des bras ou des jambes, une course contre la montre commence.

Emmanuel Amuri est Chef d’Agence de LOGISTIQUExpress, une agence spécialisé dans le transport des marchandises, courrières et divers autres ressources à Kalemie, chef-lieu de la province du Tanganyika en République démocratique du Congo (RDC). Il vient d’accueillir Jeef Adjunay Seleman, un motard, transporteur de marchandise qui régulièrement couvre le tronçon Manono-Kalemie après avoir parcouru plus de 413 km en une journée et demi pour déposer 12 échantillons de selle en provenance de Manono. À l’arrivée de ces échantillons, qui sont conditionnés dans des cartons, « triple emballage », Emmanuel s’assure de les apporter au bureau de l’antenne de coordination du PEV à Kalemie où ces échantillons seront placés au froid, servant de point de transit. Les échantillons devraient ensuite être expédiés pour Kinshasa à l’Institut National de Recherche Biomédicale (INRB), le laboratoire national, dans le meilleur délai afin d’apprécier la présence du polio virus. Dans la plupart de cas, ceci se fera à la disponibilité du prochain vol cargo.

Jeef, arrivant à Kalemie avec le lot des échantillons en provenance de Manono dans la province du Tanganyika/ Jeef, arriving in Kalemie with a batch of samples from Manono in Tanganyika (Photo Credit: Tresor Amiri, VillageReach)

Une évaluation menant à des pistes de solutions

La province du Tanganyika est une des sept provinces dans l’Est de la RDC actuellement touché par l’épidémie de polio. Bien que la RDC ait été certifié pays libre de circulation de polio virus sauvage en 2015, deux ans après ce grand accomplissement, le pays connait depuis une recrudescence des épidémies de polio, notamment celles dérivés du vaccin. Malgré les efforts de riposte par le Ministère de la Santé Publique Hygiène et Prévention (MSPHP), à travers son Programme Elargi de Vaccination (PEV) et plus tard le Comité d’Urgence Polio (COUP), au fil du temps, ces épidémies ont touché presque toute l’étendue du pays. En 2022, plus de 146 cas de virus de type 1 et 363 cas de virus de type 2 avaient été notifiés. En 2023, ce fléau ne cesse de continuer, avec plus de 24 cas de type 1 et 41 cas de type 2 notifiés. Cette situation pose un grand défi dans les efforts de l’éradication de la polio, une initiative mondiale qui a été créé en 1988 pour radier cette maladie, après la réussite de l’éradication de la variole.

Dans la poursuite de l’arrêt de la circulation de la polio, un système de surveillance sensible reste un des piliers important, en plus de la vaccination de routine, les vaccinations de masses et les ripostes aux épidémies. Cependant, dans un pays-continent comme la RDC, ceci reste un défi majeur, principalement pour assurer l’arrivée des échantillons des cas suspects dans le délai de 3 jours jusqu’au laboratoire national.

En début 2022, VillageReach a eu à effectuer une évaluation du système de transport des échantillons polio, auxquels des recommandations clés ont abouti à l’implémentation de nouvelles approches en tenant compte de certaines faiblesses identifiées. Tirant de son expérience dans l’optimisation de la chaine d’approvisionnement, VillageReach a su proposer des pistes de solutions pour réduire le temps de transport des échantillons notamment par la reconfiguration des circuits de transport, la collaboration avec le secteur privé pour écourter le transport, ainsi que l’utilisation des approches innovantes dont la digitalisation pour améliorer la surveillance. Pour se faire, sous le leadership de la coordination nationale du PEV, 7 provinces ont été sélectionnées pour bénéficier de l’appui de VillageReach dont : l’Equateur, le Haut-Lomami, le Haut-Katanga, le Lualaba, le Mai-Ndombe, le Sankuru, et le Tanganyika.

VillageReach œuvre dans ces 7 provinces pour raccourcir le temps de transport des échantillons du point de collecte au point de transit, voire les antennes de coordination PEV en provinces (où les échantillons transitent avant leurs expéditions vers le laboratoire national).

Des échantillons en provenance de Butumba (Haut Lomami) en route vers Lubumbashi (le point de transit du Haut-Katanga) en passant par Kolwezi (Lualaba)/ Samples from Butumba (Haut Lomami) en route to Lubumbashi (the Haut-Katanga transit point) via Kolwezi (Lualaba) (Photo Credit: VillageReach)

Des circuits de transport reconfigurés

Dans un pays où seul 17% de ses infrastructures routières sont en bon état, les barrières géographiques naturelles tel que les lacs et rivières, sans compter la situation sécuritaire dans certains espaces dans l’Est de la RDC, comptent parmi des goulots d’étranglement dans le transport de tout article, y compris les produits de santé dont les échantillons.

Conscient de ces défis et de la particularité de chaque province, VillageReach s’était réuni avec les acteurs sanitaires provinciaux et opérationnels des sept provinces afin de revoir le parcours que peuvent prendre ces échantillons pour rapidement arriver dans les coins accessibles pour expédition au laboratoire national.

Le Haut Lomami, une province affrontée par le manque de route urbaine, ponts vétustes et plusieurs lacs, a largement bénéficié de cette reconfiguration. Pour le médecin chef de division provinciale du Haut Lomami, Dr Patrick Banza Piongo, cette approche de VillageReach porte déjà ses fruits dans sa province :

« Avec le nouveau circuit que nous utilisons, nous avons maintenant au moins trois différents axes que les échantillons prennent pour arriver à Kinshasa, notamment Kamina, Kolwezi et Lubumbashi. Avant, tout devait passer par Kamina, ce qui prenait trop de temps pour que les équipes de la zone de santé parcourent plus de 200-400 km tandis qu’ils sont plus proche des villes où les vols pour Kinshasa sont plus réguliers. Depuis, nous encourageons les zones de santé frontalières pour gagner en temps ».

Cartographie: VillageReach

Intégration des privés dans le transport des échantillons

En plus de la reconfiguration du circuit, le moyen de transport utilisé reste important, d’où l’implication des transporteurs privé locaux comme Jeef et la collaboration avec des agences privées qui ont été contractés par les autorités provinciales avec l’assistance technique de VillageReach.

Plus de dix (10) sociétés de transport privés, tel que LOGISTIQUExpress, ont été contractualisées vu leur capacité d’atteindre des milieux où certains acteurs sanitaires ont des difficultés pour arriver à le faire.

« Mon rôle du gestionnaire est de rapprocher les transporteurs locaux et la division provinciale » dit Emmanuel. « Nous avons des contrats de partenariat avec les transporteurs locaux ici dans les zones de santé. Et à chaque fois qu’il y a des échantillons, la première des choses est qu’on nous contacte et nous aussi à notre niveau nous on signale les transporteurs. Partout où ils sont, là où se trouve les cas, ils partent récupérer les échantillons, et nous, on les paye ».

Jeef compte parmi les transporteurs locaux identifiés pour assurer un transport rapide dès la collecte des échantillons pour les acheminer aux points de transits.  Ces transporteurs facilitent la tâche pour les équipes des zones de santé qui n’ont plus à se déplacer mais aussi avoir des soucis des frais encourus. Pour le Médecin Chef d’Antenne de Mbandaka, à l’Equateur, Dr Jean-Jacques Isanjola, ceci a été une source de motivation.  « Nous savons qu’en cas d’échantillons présent au niveau des centres de santé ou dans la communauté, tel transporteur va emmener après au tant d’heures ou de jours, pour que ça arrive au niveau de l’antenne. Pour un échantillon, vous pourrez aller même jusqu’ à un 400-500$ s’il faut prendre les moteurs hors-bord en location, le carburant, etc. Mais aujourd’hui là, nous savons que si l’échantillon quitte, ça nous arrive, il y a un remboursement en terme de frais encouru, achat carburant, les gens se donnent et ils emmènent. »

Plusieurs moyens de transport sont utilisés, en plus des motos. La plupart des 7 provinces connaissent des barrières géographiques qui rendent le chemin difficile vers les points de transit, dont les zones lacustre ou fluviale; par moment, le mauvais climat (le vent, la pluie), rend difficile aussi la circulation, mais également l’insécurité. Dans le Tanganyika, certaines zones de santé sont couvertes par des avions humanitaires, malgré l’irrégularité des vols. Lors de confirmation des vols, couvrant Manono ou Ankoro, les transporteurs terrestres s’arrangent pour coïncider leur arrivée pour que les vols emmènent les échantillons vers Kalemie, réduisant ainsi le parcours qu’ils doivent faire.

Des échantillons sont placés dans un avion commercial à Kamina/ Samples being place in a commercial airplane in Kamina (Photo Credit: VillageReach)

À l’Équateur, lorsqu’il s’agit de l’expédition des échantillons vers le laboratoire national, pendant plusieurs années, seul les avions cargos acceptaient de le faire. Avec l’approche de VillageReach d’inclure le secteur privé dans ce circuit de transport, les autorités provinciales ont pu travailler avec l’OMS et l’agence de transport pour négocier des contrats avec les compagnies aériennes commerciale pour transporter les échantillons.

Le Dr Isanjola s’explique, « Au paravent, c’était chaque samedi [que les échantillons] devait partir par cargo. Alors, pour l’instant, on a eu à contacter les autres trafics aériens [commerciaux], qui au départ avait des réticences ou des réserves par rapport au transport des échantillons biomédicaux. Puisque nous sommes une province source d’Ebola…Avec le triple-emballage, ça donne moins de chance pour la contamination pendant le transport. Alors, ces sociétés ont accepté. Maintenant là, chaque mercredi, les échantillons partent ; chaque samedi, c’est la même chose ».  C’est depuis mars 2023 que la province bénéficie au moins des 2 jours par semaine, en lieu d’un seul auparavant, pour acheminer les échantillons vers Kinshasa.

L’analyse de l’évaluation en début 2022 avait démontré qu’en 2021, le temps de transport d’échantillons PFA avait une moyenne de 11 jours à travers le territoire national jusqu’au laboratoire.  Cependant, dans les sept provinces où VillageReach œuvrent, au premier 8 mois de 2022, cette moyenne était de 17,3 jours, mais pendant les premières 9 mois du projet, ceci a été réduit à 12,4 jours.

Des approches innovantes

Parmi les innovations apportées dans ce programme compte l’utilisation des drones dans la province de l’Equateur ; et les appareils Tec4Med dans les provinces de l’Equateur, le Haut-Lomami, et le Tanganyika, pour le suivi de la température et le parcours (la géolocalisation) des échantillons en temps réel.

En effet, c’est depuis fin 2020 que des vols réguliers de drones couvre plus de 40 établissements de soins pour la distribution des vaccins. Cependant, étant des drones bidirectionnel (pouvant atterrir et décoller dans les deux sens), cette technologie a également commencé à transporter les échantillons.

Un drone atterrit dans un établissement de santé isolé de l’Équateur, dépose des vaccins et prélève des échantillons de laboratoire/ Drone landing at a remote health facility in Equateur, dropping off vaccines and picking up lab samples (Photo Credit: Swoop Aero)

Comme l’explique le Dr Isandjola, « Dans la zone de santé de Bikoro, [le village] Maanga qui se trouve dans l’autre côté du Lac [Ntumba], alors que pendant la saison de pluie, le lac peut se fâcher pendant 5 jours, vous n’avez même pas moyen de traverser », raconte-t-il. « Si le lac se fâche, il n’y a même pas moyen de partir avec nos embarcations locales ici, c’est compliqué, sinon vous mettrez votre vie en péril. Alors, avec le drone…en quelques deux heures du temps, vous pourrez avoir des échantillons de Maanga-Bikoro, Bikoro-Mbandaka, vous avez des échantillons et le lendemain, ça arrive à Kinshasa ».

Le dispositif de suivi Tec4Med, avec un suivi rapproché qui se fait par VillageReach, permet de connaitre le lieu où se trouve l’échantillon, dès le point de départ d’un établissement de soins ou la zone de santé jusqu’au laboratoire national.

Un appareil Tec4Med inséré dans un porte-échantillon pour le suivi de la température et le parcours des échantillons pendant le transport/ A Tec4Med device inserted in a sample holder for temperature monitoring (Photo Credit: VillageReach)

Emmanuel, le gestionnaire des transporteurs, explique l’utilité de cet appareil : « Les capteurs vraiment nous facilitent la tâche. Quand il y a échantillon, nous demandons aux Infirmiers titulaires (IT) ou à la personne qui a fait le prélèvement des échantillons d’activer le capteur et de partager le numéro d’EPID. Quand il partage le numéro EPID, et il nous envoi le code QR avec la capture d’écran, à notre niveau, nous aussi on envoie à VillageReach. Et des fois, [VillageReach] nous appelle pour vérifier que le capteur est allumé. Et si la température augmente, VillageReach nous appelle, il faut faire le suivi de tel échantillon, ou tel capteur. Il faut changer d’accumulateur ».

Ce changement d’accumulateur s’effectue plusieurs fois le long du parcours jusqu’au laboratoire national pour permettre que les échantillons maintiennent leur qualité pour une analyse complète. Similaire à la plupart des vaccins, les échantillons polio doivent être maintenu dans une température entre +2 et +8 degrés Celsius.

Dans cette course à la montre, la collaboration avec des transporteurs privés, la reconfiguration des circuits de transport, et l’utilisation de nouvelles technologies contribuent dans la réduction du temps de transport de échantillons polio.

Pour Emmanuel, ce travail lui apporte une satisfaction, sachant qu’il contribue aux efforts du gouvernement et de ses partenaires, comme VillageReach, à éradiquer la polio en RDC. « [Nous avons accepté d’accompagner la province] premièrement puisque ça cadre avec la santé. », dit Emmanuel. « Notre devise c’est ‘la rapidité, la confiance’ », il continue, « Quand on nous appelle pour les cas d’échantillons, la première de chose, nous on se dit qu’on va mettre notre travail en pratique. Et si [l’échantillon] arrive [dans le délai], nous, nous sommes fiers de ça, malgré les conditions de la route».

###

Pour plus d’information sur le programme de Transport des Echantillons Polio en RDC, veuillez contacter Patrice Tshekoya à patrice.tshekoya@villagereach.org ou Guillaume Mwamba à guillaume.mwamba@villagereach.org

Return to Newsroom